Osez la couleur. Annick Zimmermann
Murmures et chuchotement - Exposition au Couvent des Dominicains en 2015
« Le monde est grand, mais en nous il est profond comme la mer. » Rilke.
Penser n'est pas une fonction de l'esprit ; C'est un sens du corps. À la vérité il y a quatre sens de l'esprit. Rêver, lire, penser, méditer. » Pascal Guignard. Mourir de penser. Grasset.
« La couleur a toujours été le moteur de mon travail. revendique Annick Zimmermann dans une récente interview à Star-media.fr du 16 mars 2015. Qu'elle soit inspirée par des réminiscences de la vie ou portée par ses propres vibrations, la couleur prend souvent le dessus de mes toiles et de la figuration. Par le seul pouvoir du rythme coloré, l'espace de la toile s'anime, ordonne la forme et se libère du réel. » Ne cherchez pas d'autre dynamique dans sa peinture alors que vous allez découvrir le fruit de plus de trois ans d'un travail engagé avec les toiles et avec elle-même.
Sa force est de rester intuitive. Même si certains titres témoignent sa vie itinérante : "Bambous", "Mekong", "Tadj Mahall", "Abou Simbel", "Chott El Jerid", "New York", "Galveston", "Antalya"... et c'est même comme cela que son travail se reconnait : « Le tableau s'achève, précise-t-elle à Laurent Amar de Star-media.fr, quand il porte suffisamment l'imaginaire de chacun à trouver ou prolonger une histoire. »
« Une âme inaugurant une forme » La définition que Pierre-Jean Jouve donne de la poésie convient bien à ce qu'Annick Zimmermann révèle aujourd'hui : le fruit d'une reconquête sur une souffrance quasi physique de ne plus peindre « pour affronter une réelle rebelle » comme elle dit pudiquement... Si sa peinture est d'un accès immédiat, rien ne fut pourtant évident. C'est par la peinture qu'elle a trouvé un nouvel équilibre, de l'esprit et du geste, de l'émerveillement et du travail, d'un oeil et d'une patte parfois ironiques, mais toujours complices.
Le cheminement d'une « survivante », selon l'image de Pascal Guignard « qui éprouve le besoin de tout reprendre à zéro pour comprendre ce qu'ils ont vécu. » Ce qu'Annick Zimmermann montre au Couvent des Dominicains, elle l'a extrait de la profondeur de la texture, de l'effacement des perspectives pour ce que l'on pourrait appeler 'la mesure intérieure'. Même si ce fut au prix d'un changement radical de technique : non plus par retrait successif de la peinture par ponçage, mais, signe de la quête de sens, par ajout de la matière souvent dans un véritable feu d'artifices de couleurs et de pigments. La chair de la couleur devient plus dense, plus versatile aussi. À partir d'un matériau pictural tissé de réminiscences, de méditations et de recherches, la couleur s'engouffre dans les failles et les profondeurs des gestes qui la font peindre, mais aussi peintre. Car n'en doutez pas, le travail du peintre se définit ici dans ce qui participe à une renaissance de son art, bien au-delà de peaufiner un incontestable métier, jamais pesant, ni démonstratif.
Travail intime où l'imaginaire se nourrit de son expérience et son métier de peindre. Toujours en puisant dans son terreau de rêves et de reflets, de formes incertaines ou liquides, vivantes et colorées, exhumant un univers passionnant et passionné, Annick Zimmermann donne à voir et à vivre un voyage fécond, se jongle du réel. Ses toiles en se (et nous) cherchant trouvent leur propre vie profonde. Et nous tendent un miroir. Parfois presque durement tant il a fallu au peintre se plonger dans ce qui l'a construit et l'engage dans son art. Quête non dénuée de malice. D'une grande liberté par rapport à sa vie propre et ses états d'âmes. Si Annick a ressenti parfois des découragements, elle a su libérer sa vraie nature. Où le noir est quasi absent. S'il faut chercher un sens à ce travail exemplaire et émouvant, alors il est tout trouvé : Osez la couleur !
Olivier Olgan Le Guay - 30 mars 2015